Paris, le 11 Mai 2022, WAFA- depuis un quart de siècle Shireen Abu Aqleh couvrait sur le terrain les innombrables épisodes du conflit israélo-palestinien pour le compte de la chaîne qatarie al-Jazeera. Devenue une icône médiatique pour des millions de téléspectateurs arabophones, elle a été tuée mercredi matin par balles, tandis qu'un de ses confrères était blessé, lors d'une opération de l'armée israélienne en Cisjordanie. Israéliens et Palestiniens se sont immédiatement rejeté la responsabilité de la mort de cette Palestinienne chrétienne de 51 ans, originaire de Jérusalem-Est et de nationalité américaine.
Tout s'est déroulé dans le camp de réfugiés de Jénine, devenu l'épicentre des tensions depuis le début de la vague d'attentats anti-israéliens qui ont fait 19 morts en moins en deux mois. Une partie des auteurs des attentats venaient de Jénine ou de sa région.
L'armée israélienne y a multiplié les raids pour arrêter des Palestiniens recherchés. Mercredi, ce raid a très mal tourné. Shireen Abu Aqleh, revêtue d'un gilet de protection avec bien en évidence le terme « Press » sur le devant, a été touchée à la tête.
Côté palestinien, il ne fait pas le moindre doute que les soldats israéliens ont ouvert le feu dans sa direction. Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, le Qatar qui finance al-Jazeera, des journalistes et des témoins palestiniens accusent l'armée israélienne d'avoir tué la journaliste. Côté israélien, on a tenté d'introduire le doute, en affirmant que les tirs provenaient « sans doute » de Palestiniens, qui échangeaient les coups de feu avec les militaires israéliens.
Tomas Nides, l'ambassadeur des États-Unis en Israël, a réclamé l'ouverture d'une enquête « approfondie ». La France a également « exigé » une enquête « transparente » sur cette mort « profondément choquante ». L'association de la presse étrangère se déclare « choquée » par la mort de cette consœur, la jugeant « inacceptable », et presse pour « une enquête en toute transparence »,demandant à l'armée israélienne de rendre publiques les vidéos de ses soldats, comme preuve de bonne foi et pour répondre à cette pression internationale.
Naftali Bennett, le premier ministre israélien, a proposé de procéder à une autopsie « commune » avec des responsables palestiniens, afin de déterminer quel type de balle avait atteint la journaliste, mais cette demande a apparemment été rejetée et l'enterrement de la victime aura lieu, jeudi à Ramallah, en présence de Mahmoud Abbas. « Si nous l'avions tuée nous en prendrions la responsabilité, mais cela ne paraît pas être le cas », a affirmé Ran Kochav, le porte-parole de l'armée israélienne.
Il a toutefois évoqué la possibilité qu'une personne « non impliquée dans les échanges de tirs, soit atteinte, cela peut arriver sur les lieux d'un affrontement armé, il ne s'agit pas d'un terrain de foot ».
Benny Gantz, le ministre de la Défense, a aussi plaidé non-coupable. « Selon les premiers éléments dont nous disposons, nous n'avons pas identifié de tirs de nos soldats à l'endroit où se trouvait la journaliste », a-t-il assuré. Les médias israéliens ont repris une vidéo palestinienne où l'on voit un Palestinien armé tirer à partir du coin d'une ruelle à l'aveugle, en se réjouissant ensuite d'avoir touché un soldat. Des images censées prouver que de tels tirs avaient pu toucher la journaliste. Mais il n'est pas évident que la scène a été tournée à l'endroit où elle a trouvé la mort.
Ali Samoudi, l'autre journaliste blessé, a raconté qu'il se trouvait avec un groupe de 7 journalistes. « Tous portaient l'inscription “Press” bien visible. Il y a eu un premier tir qui n'a touché personne, puis un deuxième qui m'a atteint et un troisième qui a provoqué la mort de Shireen. Il n'y avait aucun Palestinien dans le secteur, mais seulement des journalistes et des soldats », a-t-il assuré.
R.N