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« Tumultueux, silencieux, volontaire et forcé », locutions utilisées en Israël pour le déplacement des Palestiniens

« Tumultueux, silencieux, volontaire et forcé », locutions utilisées en Israël pour le déplacement des Palestiniens

Par Rami Samara

Ramallah, le 8 janvier 2024, WAFA-

Récemment, la fréquence des déclarations des responsables de Tel Aviv sur les projets de déplacement des Palestiniens de la bande de Gaza a encore augmenté, alors que l’agression israélienne contre la bande de Gaza entre dans son quatrième mois.

Le déplacement forcé signifie le déplacement de personnes de leurs terres, de manière permanente ou temporaire, contre leur volonté et sans leur fournir de protection juridique ou d'autres moyens.

Ce processus se produit par le biais d’actions militaires directes ou par la soumission de la population à des moyens d’intimidation, de menaces, de pression et de persécution, notamment en lui coupant l’approvisionnement en nourriture, en eau, en médicaments, en traitements et en d’autres nécessités de la vie.

Selon le Statut humanitaire de Rome de la Cour pénale internationale, le déplacement forcé relève des crimes de guerre et du génocide.

Le ministre du Patrimoine du gouvernement israélien, Amichai Eliyahu, a déclaré : « Les habitants de Gaza doivent être encouragés à immigrer vers d’autres pays dans le cadre de mesures visant à se venger d’eux après les événements du 7 octobre. »

Pour Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale du gouvernement d'occupation extrémiste, la promotion d'une « solution » qui encourage la migration des Palestiniens à Gaza était juste, morale et humanitaire, en plus d'être un besoin urgent d’ouvrir la voie au rétablissement des colonies au détriment des terres palestiniennes.

Suivant la même tendance, le ministre des Finances Bezalel Smotrich a également appelé au retour des colons dans la bande de Gaza après la fin de l'agression, et a appelé à « encourager » les Palestiniens de la bande à immigrer vers d'autres pays pour vivre une « vie normale d'une manière appropriée et humaine », en coopération avec la communauté internationale et les pays voisins.

Aux premières heures de l’agression brutale sans précédent, qui a débuté le 7 octobre 2023, le Premier ministre du gouvernement d’occupation, Benjamin Netanyahu, a appelé les Palestiniens à quitter la bande de Gaza, a menacé de la transformer en ruine et a déclaré : « les forces armées travailleront de toutes leurs forces et partout. »

Cinq jours plus tard, l'armée d'occupation a informé le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires dans la bande de Gaza que tous les Palestiniens du nord de la vallée de Gaza devaient se déplacer vers le sud dans les 24 heures.

À l’époque, les Nations Unies estimaient le nombre de personnes faisant l’objet d’ordres d’expulsion forcée à environ 1,1 million de Palestiniens, indiquant qu’il était impossible de mettre en œuvre cette mesure sans « conséquences humanitaires dévastatrices ».

Quelques heures plus tard, des avions d'occupation israéliens ont largué des tracts appelant les habitants de la ville de Gaza à évacuer leurs maisons et à émigrer vers le sud de Gaza, via des couloirs désignés par l'armée au motif qu'ils sont en sécurité et ne mettront pas leur vie en danger.

Les appels israéliens à l'évacuation se sont poursuivis tout au long de l'agression, et sa zone s'est étendue pour inclure également ce qu'Israël a décrit comme des zones sûres au sud de la vallée de Gaza, jusqu'à Khan Younis, au sud de la bande de Gaza.

Deux semaines après le début de l'agression, un document qualifié de secret a été dévoilé, comprenant une recommandation de la ministre israélienne des renseignements, Gila Gamliel, dans laquelle elle estime que la proposition de de déplacer « de force » la population de Gaza vers le Sinaï après la fin de la guerre ; représente un résultat positif et une stratégie à long terme.

Pendant ce temps, le membre de la Knesset du parti Likoud, Danny Danon, a récemment parlé des appels qu'il a reçus de pays d'Amérique latine et d'Afrique déclarant leur désir d'accueillir les réfugiés de la bande de Gaza.

Cela ne s’arrête pas à ce qui a été rapporté sur l’intention d’Israël de nommer Tony Blair, l’ancien Premier ministre britannique, comme médiateur auprès des pays occidentaux pour les persuader d’accueillir des réfugiés palestiniens de la bande de Gaza après la fin de la guerre.

C'est ce qui a poussé la présidence palestinienne à publier il y a quelques jours une déclaration dans laquelle elle exprime son rejet de toute tentative suspecte visant à charger Blair ou d'autres de travailler au déplacement des citoyens de la bande de Gaza.

Elle considère qu'il s'agit d'un acte condamnable et inacceptable, qui s'inscrit dans le cadre de l'achèvement de la Déclaration Balfour, publiée par le gouvernement britannique avec la participation américaine et qui a jeté les bases de la tragédie du peuple palestinien lors de la Nakba de 1948.

Compte tenu de la gravité du danger que représentent les projets d'Israël, le président Mahmoud Abbas a annoncé, lors de sa rencontre avec le secrétaire d'État américain Anthony Blinken à Amman, la capitale jordanienne, le 12 octobre, son refus de déplacer la population de la bande de Gaza, car cela équivaudrait à une deuxième Nakba.

À cette époque, des pays, notamment l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït, les Émirats arabes unis, la Turquie et la Russie, ainsi que des organisations et organismes tels que les Nations Unies, la Coopération islamique et la Ligue arabe, ont annoncé leur rejet des appels de l’armée d’occupation à déplacer de force les Palestiniens de la bande de Gaza.

Selon les statistiques de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA), le nombre de personnes déplacées à Gaza était estimé à environ 1,9 million de personnes, soit 85 % de la population totale.

Les Nations Unies ont estimé à environ un million le nombre de personnes déplacées arrivées dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, depuis le début de la récente agression israélienne.

L’ONU a également déclaré dans un récent rapport que Rafah est devenue le principal refuge pour les personnes déplacées, avec plus d'un million de personnes vivant dans une zone très peuplée, suite à l'intensification des opérations militaires à Khan Younis et à Deir al-Balah, et aux ordres d'évacuation émis par l'armée d'occupation israélienne.

Lorsque les membres du gouvernement de Tel Aviv ont commencé à s'exprimer davantage sur les idées de déplacement, une « tempête » de rejet internationale s’est élevée et surtout des pays classés parmi les alliés les plus importants d'Israël et des pays qui justifiaient l'agression contre Gaza comme une réaction et un acte d'auto-défense.

« Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France » ont dénoncé les appels aux déplacements forcés au motif qu’ils sont inacceptables et inutiles, qu’ils n’apportent pas de solution ni n’apportent pas de sécurité, en plus d’être interdits par le droit international humanitaire.

Dans une tentative d'atténuer la gravité des déclarations, des critiques et des sanctions attendues en vertu du droit international, la Maison Blanche a publié une confirmation indiquant que les responsables israéliens, y compris Netanyahu, ont confirmé que ces positions ne reflétaient pas la politique officielle du gouvernement israélien.

Un responsable de Tel Aviv a également démenti les informations accusant Israël de mener des négociations, sous la supervision du Mossad et du ministère des Affaires étrangères, avec des pays africains pour accueillir les Palestiniens qui « choisissent » d’émigrer de Gaza.

Le quotidien israélien « Haaretz » a cité le responsable disant que malgré les appels des ministres du gouvernement dirigé par Benjamin Netanyahu à encourager la migration des Palestiniens de la bande de Gaza, Israël ne mène aucun dialogue avec aucun pays sur cette question, y compris la République démocratique du Congo et autres pays.

La gravité de changement de position israélienne sur la question du déplacement des Palestiniens de la bande de Gaza demeure en remplaçant le « déplacement forcé » par le concept de « migration volontaire » dans le but d'échapper à la responsabilité en vertu du droit international, comme indiqué dans un communiqué publié par le ministère palestinien des Affaires étrangères.

Le ministère a déclaré : « Nous mettons en garde contre les tentatives du gouvernement israélien et de son Premier ministre Benjamin Netanyahu de promouvoir et de commercialiser le concept de migration volontaire pour notre peuple dans la bande de Gaza, afin de cacher le crime de déplacement forcé imposé par les forces d’occupation directement ou indirectement dans la bande de Gaza, en créant un environnement poussant les Gazaouis à quitter l’enclave ».

Au cours des plus de 92 jours d'agression, les forces d'occupation ont largué plus de 45 000 missiles et bombes sur la bande de Gaza, pesant plus de 65 000 tonnes, y compris des missiles interdits au niveau international, coûtant la vie à plus de 22 000 Palestiniens et faisant 57 000 blessés, la plupart des victimes étant des enfants et des femmes.

Selon une analyse publiée par le réseau canadien d'images satellite CBC, le bombardement israélien sur Gaza est le plus destructeur de ce siècle, détruisant complètement 65 000 logements et entraînant des dommages partiels à 290 000 autres logements, en plus de détruire complètement 93 écoles et universités, 120 mosquées et 3 églises, mettant hors service 30 hôpitaux et 53 centres de santé et détruisant 104 ambulances.

En sus des bombardements israéliens aveugles, les conditions inhumaines même depuis le siège des Nations Unies et les lieux de déplacement parce qu’il n'y a ni nourriture, ni eau, ni médicaments, aucun traitement et il n'y a pas de lieu sûr, même dans les zones déclarées par l'armée, qui tendent à augmenter le sentiment de désespoir et de panique conduisant à réfléchir à la décision de se sauver, poussent les Gazouis à quitter leurs foyers.

Le Département des Affaires des Réfugiés de l'Organisation de Libération de la Palestine a averti des concepts de « migration volontaire » sous des raisons, justifications et arguments humanitaires, alors qu'ils cherchent à dissimuler les crimes de l'occupation et l'essence de l'idée existante de déplacement forcé.

Il a souligné que ces plans sont basés sur les prétendus résultats israéliens de l'agression actuelle, dans laquelle l'armée d'occupation israélienne cherche à rendre de la bande de Gaza un endroit invivable, par le génocide et la destruction systématique de toutes les installations de la vie.

Bien que moins sévères, les conditions imposées par Israël en Cisjordanie et à Jérusalem indiquent que le plan de déplacement n'est pas uniquement lié à la bande de Gaza et ne s'est pas arrêté à la Nakba de 1948, lorsque les gangs sionistes ont commis environ 70 massacres, ils se sont ensuite emparés de plus de 85 % de la superficie de la Palestine historique, qui s'étend sur environ 27 000 kilomètres carrés, selon le Centre national d'information palestinien, dans le cadre du plus grand processus de nettoyage ethnique jamais vu en le XXe siècle, provoquant le déplacement forcé de plus de 957 000 Palestiniens de leurs villages et de leurs villes, par la force des armes et des menaces.

Après l’occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est en 1967, Israël, via ses politiques, n’a cessé de mettre en œuvre des plans visant à pousser à l’exode silencieuse et lente, dépendant sur l’augmentation des dangers sur la vie.

Ces politiques incluent des meurtres, des invasions, des arrestations, la démolition d'installations, l'arrêt de constructions, la saisie de terres, en particulier dans la zone C, la construction et l'expansion de colonies, la construction de routes coloniales, la proposition de plans d'annexion, des fermetures et des barrières militaires, des restrictions économiques, le déchainement de la violence, et l'armement des gangs de colons, et retirer les cartes d'identité des Jérusalémites.

Selon une étude publiée par l’académicien Mounir Nusseibeh, Israël a exploité son système et ses institutions depuis sa création pour mettre en œuvre une politique de déplacement forcé à l’intérieur du territoire palestinien occupé et d’Israël.

Il a déclaré que les méthodes utilisées se répartissent en au moins six catégories générales qui provoquent le déplacement permanent des Palestiniens des deux côtés de la Ligne verte, à savoir :

Le recours à la violence en temps de guerre, comme cela s'est produit lors des guerres de 1948, 1956 et 1967, a créé l'un des problèmes de réfugiés les plus complexes au monde ainsi qu'un nombre important de personnes déplacées à l'intérieur du pays.

Ingénierie des statuts personnels en Israël et dans les TPO de manière à exclure les résidents habituels, ou les personnes qui devraient avoir droit à des droits de résidence, du droit de vivre dans leur logement.

Un aménagement urbain et rural discriminatoire qui encourage l’expansion juive et supprime la construction palestinienne dans certaines zones comme Jérusalem, la vallée du Jourdain et le désert du Néguev. En conséquence, des maisons et même des villages entiers sont démolis et considérés comme des « constructions illégales ».

Déposséder les Palestiniens de leurs biens en vertu de lois et réglementations discriminatoires qui aboutissent à l'expulsion forcée de familles de leurs lieux de résidence.

Expulsions pour raisons de sécurité et loi d’urgence. Cette méthode a été largement utilisée dans les TPO au début de l’occupation et est encore utilisée de temps en temps.

Créer des circonstances insupportables dans certaines zones qui finissent par pousser la population civile à quitter ses foyers et à s'installer dans d'autres régions.

Selon les données du Bureau central palestinien des statistiques, le nombre de palestiniens tués par des tirs israéliens entre septembre 2000 et fin décembre 2022 a atteint 11 541. Depuis début 2023, au moins 22 404 Palestiniens, dont plus de 22 000 ont été abattus depuis le 7 octobre dernier, 98% d'entre eux de la bande de Gaza, en plus de dizaines de milliers de disparus, blessés.

Le nombre total de Palestiniens incarcérés dans les geôles d'occupation israélien jusqu'à la fin de l'année dernière s'élevait à 8 800, dont plus de 80 femmes, et environ 11 cas d'arrestation ont été enregistrés par les forces d'occupation israéliennes en 2023, cela n’inclut pas le nombre de détenus de Gaza, estimés à des centaines et détenus dans les camps de l’armée d’occupation.

Le nombre de colonies illégales au début de 2023 atteignait environ 176 colonies, en plus de 186 avant-postes de colonies, habités par 726 427 colons, selon les estimations disponibles. Pendant ce temps, la puissance occupante a créé des zones et des camps industriels, touristiques et de services pour l'armée d'occupation, dont le nombre a atteint 144 sites.

Les colonies représentaient 42 % de la superficie de la Cisjordanie, et 68 % de la superficie de la zone C qui est sous le contrôle israélien au profit des colonies, une zone qui comprend 87 % des ressources naturelles de la Cisjordanie, soit 90 % de ses forêts et 49% de ses routes.

Un rapport de la Commission de résistance au mur et aux colonies a documenté l’escalade des déportations forcées causées par l’imposition de mesures coercitives et expulsives par Israël, ou par le terrorisme de gangs de colons parrainées et protégées par l’État occupant.

L’expulsion forcée des communautés bédouines palestiniennes s’est concentrée dans trois zones principales : la vallée du Jourdain, l’est de Ramallah et le sud d’Hébron, et a entraîné le déplacement de 25 communautés bédouines palestiniennes, habitées par 266 familles, dont 1 517 individus.

Dans le même contexte, nous ne pouvons ignorer les lois initiées par le ministre de la Sécurité nationale du gouvernement d'occupation, Itamar Ben Gvir, qui facilitent l'acquisition d'armes par les colons. Ben Gvir a personnellement distribué des armes aux colons, tout en révélant la formation de 600 équipes de « garde civile » dans les colonies et les villes habitées par les colons.

À travers les facteurs susmentionnés et les données qui en résultent, et qui s'inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre de ce que l'on appelle le « Plan décisif d'Israël » élaboré par le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich, les Palestiniens n’ont plus que 3 options : « Le délaissement de leurs aspirations politiques, l’acceptation de vivre comme des citoyens de seconde zone : leur terre, ou la « migration » à l’étranger, ou la mort ».

Les lois et législations internationales criminalisent le déplacement et les politiques ultérieures qui y conduisent, comme le stipule l'article n° (49) de la Quatrième Convention de Genève : « L’État occupant ne peut pas expulser ou transférer une partie de sa population civile vers les territoires occupés. »

 L’article 53 précise : « Toute destruction par la Puissance occupante de biens immobiliers ou personnels appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, ou à l'Etat, ou à d'autres autorités publiques, ou à des organisations sociales ou coopératives, est interdite, sauf lorsque cette destruction est rendue absolument nécessaire par des opérations militaires. » et l’article (147) stipule : « La destruction ou l’appropriation de biens d’une manière non justifiée par des nécessités militaires et à grande échelle, de manière illégale et arbitraire. »

Selon le Statut humanitaire de Rome de la Cour pénale internationale, « la déportation ou le transfert forcé de population, lorsqu’ils sont commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre toute population civile, constitue un crime contre l’humanité ».

H.A

 

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