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L’enfer quotidien du hameau bédouin de “Shakara”

Naplouse, le 29 septembre 2025, WAFA–

Par Zahran Maali

La souffrance des habitants du hameau de Shakara, à l’est de Douma, au sud de Naplouse, ne connaît aucun répit. Depuis près de dix ans, seize familles des clans Arar’ra et Zawahra y vivent sous la menace constante des colons israéliens, installés dans un avant-poste illégal à seulement 400 mètres de leurs habitations.

Radhy Arar’ra, l’un des habitants, résume la situation ainsi :

« Depuis deux mois, notre vie est devenue un enfer. Pas un jour ni une nuit sans intrusion : les colons viennent avec leurs tracteurs, laissent paître leurs troupeaux jusque dans nos maisons, utilisent des drones qui survolent en permanence, détruisent nos réservoirs et compteurs d’eau, coupent les câbles électriques et s’attaquent même aux panneaux solaires. »

Ces attaques ne visent pas seulement les biens matériels, mais aussi leur vie quotidienne :

« Nous vivons comme des gardiens, dit-il. Nuit et jour à surveiller nos maisons de peur d’une nouvelle incursion. Personne ne peut aller travailler ni cultiver sa terre. C’est comme un siège intérieur. »

Les femmes et les enfants vivent dans une terreur permanente. Lors des attaques, les familles enferment les plus jeunes dans les chambres pour les protéger.

L’année scolaire a d’ailleurs commencé avec retard pour les enfants du hameau, faute de pouvoir se rendre à pied jusqu’à l’école du village voisin. Ce n’est qu’hier qu’une ONG palestinienne, l'institut Tamer, a réussi à fournir un véhicule pour assurer leur transport.

Les agressions ont déjà contraint cinq familles à abandonner l’élevage de moutons, principale source de revenus du hameau. « J’ai dû déplacer mon troupeau à Aqraba et louer une bergerie pour 1 700 shekels par mois », explique Arar’ra. « Ici, il est devenu impossible de les garder. »

Malgré tout, les familles insistent sur leur attachement à leurs terres. « Nous tenons bon, mais la situation est insoutenable. Sans soutien concret, il sera difficile de rester. Nous pourrons patienter un temps, mais sans conditions de vie de base, les enfants ne peuvent pas grandir et les familles ne peuvent pas continuer ici », ajoute-t-il.

Des groupes de solidarité internationaux se rendent parfois sur place pour documenter les faits et alerter la police israélienne. Mais cela n’a pas empêché la poursuite des violences, particulièrement intenses les vendredis et samedis.

Selon Arar’ra, le but est clair : pousser les familles au départ.

« Nous resterons aussi longtemps que possible, mais si la situation continue, certains n’auront d’autre choix que de partir. C’est exactement ce que veulent les colons depuis le début. »

Les chiffres confirment cette stratégie. Depuis le 7 octobre 2023, les attaques de colons et de l’armée israélienne ont déjà provoqué le déplacement forcé de 67 communautés bédouines en Cisjordanie, soit 8 000 personnes, surtout autour de Jéricho et à l’est de Ramallah.

L’avocat Hassan Mleihat, coordinateur d’une organisation de défense des droits des Bédouins, explique à Wafa :

« Nous avons documenté près de 12 000 agressions depuis octobre 2023 : incendies et destructions d’habitations, vols de bétail, sabotage des réseaux d’eau, d’électricité et de panneaux solaires, assèchement des sources, attaques contre les écoles et les enfants. »

Aujourd’hui, 177 communautés bédouines sont menacées d’expulsion forcée, dont Shakara, Ras al-Aïn, al-Auja et Khallat al-Sadra. Les attaques sont menées en grande partie par de jeunes colons, souvent mineurs, encouragés par l’idéologie de l’extrême droite israélienne. Ceux-ci, parce qu’ils sont juridiquement « mineurs », échappent en pratique à toute responsabilité pénale.

Selon Mleihat, cette politique s’inscrit dans une stratégie de nettoyage ethnique visant à imposer la souveraineté israélienne sur la zone C de Cisjordanie. « Avant la guerre de génocide, il y avait 18 avant-postes pastoraux. Aujourd’hui, on en compte 172. Les conditions de vie des Bédouins sont devenues catastrophiques : privation d’éducation, absence de soins, chômage massif, interdiction du pâturage, destruction des habitats », conclut-il. 

H.A

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