Gaza, le 29 octobre 2025, WAFA–
Par Reem Sweisi
Assise dans un fauteuil roulant, Haneen al-Mabhuh (34 ans) regarde avec des yeux tristes son pied gauche amputé. Mais cette amputation n’est pas la seule perte dans sa vie : il y a aussi une amputation de l’âme, après qu’elle a perdu ses quatre filles dans une attaque israélienne perfide qui a touché la maison familiale dans le camp de réfugiés de Nusirat, au centre de la bande de Gaza.
Haneen revient en mémoire à ce jour funeste qui a transformé sa vie en un amas de douleur psychologique et physique. Elle raconte d’une voix faible et tremblante :
"Le 10 juillet de l’année dernière, précisément à 1h du matin, moi et mon mari dormions avec nos quatre filles lorsque notre maison a été touchée par un missile direct."
Haneen s’interrompt souvent, des larmes envahissent ses yeux sans parvenir à atteindre ses joues. Elle poursuit :
"Ils nous ont sortis des décombres." Elle laisse couler ses larmes puis ajoute :
"J’étais blessée par diverses blessures et brûlures, tout comme mon mari, tandis que nos quatre filles – la plus jeune dormant entre mon mari et moi – ont été projetées sur le toit d’un voisin à cause de l’explosion."
Elle continue :
"Dès que l’on m’a retirée des décombres, j’ai perdu connaissance. À mon réveil, je me suis retrouvée à l’hôpital, enveloppée de barres de platine et de beaucoup de bandages blancs. Je ne pensais qu’à mes filles, puis je retombais dans l’inconscience."
En détail, ne trouvant pas de place à l’hôpital Al-Awda à Nuseirat en raison du nombre énorme de martyrs et de blessés arrivant sur place, Haneen a été transférée à l’hôpital américain.
Concernant son état, Haneen souffrait de blessures au genou droit, de fragments dans tout le corps, ainsi que d’une blessure grave à la cheville gauche, d’une fracture de la main gauche et de nombreux fragments dans la paume droite et sur le visage, sans oublier une blessure à la mâchoire et la fracture de dents.
Haneen explique :
"Au début, les médecins ont décidé que mes deux pieds devaient être amputés à cause de l’infection et de la gangrène."
Elle ajoute :
"Les examens ont révélé que mon bassin était également fracturé et nécessitait des plaques en platine, ainsi qu’un saignement interne qui a fait chuter mon taux sanguin à 4, une température très élevée et une baisse d’oxygène, sans compter les infections. J’ai donc passé quarante jours en soins intensifs, période pendant laquelle mon pied a été amputé."
Elle poursuit :
"Je prenais les analgésiques les plus puissants, mais sans effet. Mon âme a été amputée avant mon pied, en perdant mes quatre filles que je n’ai même pas pu dire adieu car j’étais inconsciente."
Après quarante jours en soins intensifs, Haneen a quitté cette unité, son état étant un peu stabilisé, mais elle est restée six mois à l’hôpital pour subir de nombreuses opérations chirurgicales.
À ce sujet, elle raconte :
"J’étais allongée sur le dos tout le temps au point de développer des escarres sur le dos."
Haneen conclut son récit, vivant dans l’espoir d’un transfert médical à l’étranger :
"Je vis une douleur psychologique et physique, mon âme et mon pied sont amputés, mais je reste accrochée à l’espoir de sortir de Gaza pour me soigner. Ma vie entière est actuellement suspendue à l’idée de voyager."
H.A


