Gaza, le 2 novembre 2025, WAFA- Sur son fauteuil roulant, Mahmoud Saïd Abu Foul, 28 ans, appelle son jeune frère pour qu’il lui tende un verre d’eau. Depuis qu’il a perdu la vue à la suite des tortures qu’il a subies dans la prison israélienne de Sde Teiman, il ne peut plus interagir directement avec le monde qui l’entoure.
Durant les dix mois de détention, Abu Foul, comme des centaines d’autres prisonniers qu’il a croisés, a subi de sévères tortures. L’un des moments les plus traumatisants fut celui où il a perdu la vue, après qu’un soldat israélien l’a frappé violemment à la tête avec une chaise métallique, un mois et demi après son arrestation.
« J’ai senti un éclair blanc avant que tout ne devienne noir. Depuis, je n’ai plus revu la lumière », raconte-t-il. Il explique que ses paupières se sont ensuite collées entre elles, laissant couler du sang et des larmes, et dégageant une odeur nauséabonde.
Malgré les plaintes répétées des détenus, les responsables israéliens ont ignoré son état, se contentant de lui donner une pommade et des gouttes sans effet. Il souffre aujourd’hui de douleurs constantes aux yeux et à la tête, décrivant la sensation d’un « courant électrique » partant du crâne vers l’œil gauche.
Installé avec sa famille déplacée dans une tente à Az-Zawaida, après la destruction de leur maison à Beit Lahia, Mahmoud revit son calvaire. Il avait déjà perdu une jambe lors d’un bombardement israélien sur le camp de Jabalia il y a douze ans.
Son père, Saïd Abu Foul, témoigne : « Ils lui ont pris sa jambe, sa maison et maintenant sa vue. Le seul soulagement possible serait de lui rendre la capacité de voir à nouveau. »
Mahmoud avait été arrêté le 27 décembre 2024, avec plus de 200 soignants et déplacés réfugiés dans l’hôpital Kamal Adwan, puis transféré dans plusieurs centres de détention – Sde Teiman, Ofer et Naqab – où il affirme avoir été soumis, avec d’autres détenus, à des sévices physiques et psychologiques : coups, privation de soins, insultes, humiliations, et méthodes de torture extrême.
Libéré le 13 octobre dernier dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu, Mahmoud Abu Foul garde l’espoir d’un traitement médical susceptible de lui rendre la vue.
« Je veux revoir le visage de ma mère, de mon père, mes frères, mes amis, le ciel, la mer et la lumière », dit-il, la tête tournée vers le ciel.
Selon le Centre d’information national palestinien, 77 prisonniers palestiniens sont morts en détention, après avoir succombé à la torture, à la faim ou au refus de soins, depuis le début de l’agression israélienne le 7 octobre 2023 et jusqu’au 7 octobre 2025.
Le centre précise que ce bilan, établi sur la base de données de la Commission des prisonniers et libérés et du Club des prisonniers palestiniens, ne recense que les victimes dont l’identité a pu être confirmée. Des dizaines d’autres détenus originaires de Gaza, morts en détention, sont toujours portés disparus, dans ce que les organisations qualifient de disparition forcée.
Les mêmes sources alertent sur les conditions extrêmes de détention imposées aux prisonniers palestiniens, exposés à la mort lente, à la privation de nourriture et de soins, à la propagation délibérée de maladies, ainsi qu’à des violences physiques et sexuelles, parfois jusqu’au viol.
H.A



