Accueil Occupation 17/November/2025 01:40 PM

« Haaretz » : Un réseau organisé dirigé par un Israélien facilite la sortie de Palestiniens de Gaza via des arrangements non officiels

« Haaretz » : Un réseau organisé dirigé par un Israélien facilite la sortie de Palestiniens de Gaza via des arrangements non officiels

Tel Aviv, le 17 novembre 2025, WAFA – Le quotidien israélien Haaretz a révélé l’existence d’un réseau dirigé par un citoyen israélien permettant à des Palestiniens de quitter la bande de Gaza à travers des arrangements non officiels, exploitant directement les conditions humanitaires catastrophiques provoquées par l’offensive israélienne.

Selon l’enquête du journal, au cœur de ce réseau se trouve une association baptisée Al-Majd, se présentant comme une organisation humanitaire œuvrant pour « l'aide aux communautés musulmanes dans les zones de conflit ». En réalité, il ne s’agit que d’une façade pour une société de conseil enregistrée en Estonie et dirigée par Tomer Yanar Lind, détenteur des nationalités israélienne et estonienne.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères avait déjà mis en garde contre les entreprises et entités exploitant les Palestiniens en les incitant au déplacement forcé, au départ non volontaire ou à la traite humaine, soulignant que ces acteurs devront rendre des comptes et feront l’objet de poursuites.

Des vols secrets et des itinéraires opaques :

Depuis mai dernier, au moins trois vols ont décollé de l’aéroport de Ramon, près d’Eilat, transportant des centaines de Gazaouis vers diverses destinations.

Le dernier vol, particulièrement controversé, a acheminé 153 Palestiniens vers Johannesburg, en Afrique du Sud, via Nairobi. Ne connaissant pas leur destination finale, ils ont été retenus plus de douze heures à bord de l’avion, dans une chaleur étouffante, sans eau ni nourriture, en raison de l’absence de documents officiels et de tampons de sortie valides. Ils n’ont finalement pu entrer dans le pays qu’après l’intervention de l’ambassade de Palestine, des services d’immigration et de l’organisation Gift of the Givers, qui a ensuite assuré leur hébergement.

Les autorités sud-africaines ont ouvert une enquête pour déterminer comment cette arrivée a pu se produire. Le président Cyril Ramaphosa a déclaré que les passagers avaient été « transférés depuis Gaza par des voies obscures », précisant que son pays les avait accueillis par humanité, venant d’un « territoire dévasté ».

L’ambassade de Palestine en Afrique du Sud a qualifié l’organisme organisateur du vol de « non enregistré et trompeur », l’accusant d’avoir collecté de l’argent auprès des familles, d’avoir coordonné illégalement le voyage, avant de les abandonner au premier obstacle.

Une opération coordonnée avec des organismes israéliens :

Des documents obtenus par la presse israélienne montrent qu'Al-Majd a agi sous les instructions directes de la « Direction de la migration volontaire » du ministère israélien de la Sécurité, une unité créée par le cabinet en mars pour « faciliter le départ des Gazaouis souhaitant quitter l’enclave ». Cette direction l’a orientée vers le bureau du Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), chargé de coordonner les listes de passagers – ce qu’a confirmé officiellement le COGAT, indiquant avoir reçu les noms, visas et documents avant les vols.

Une méthode d'exploitation bien rodée :

La procédure était identique à chaque vol :

– diffusion d’une annonce sur les réseaux sociaux renvoyant vers un formulaire en ligne ;

– paiement de 1 500 à 2 700 dollars après validation initiale ;

– ajout dans un groupe WhatsApp géré depuis un numéro israélien ;

– réception d’instructions précises jusqu’au départ.

La veille du voyage, les participants recevaient un point de rassemblement à Gaza. Ils étaient ensuite acheminés vers le poste de Kerem Shalom pour inspection, puis transportés en bus jusqu’à l’aéroport de Ramon, d’où décollaient des avions affrétés vers plusieurs pays — le tout sans encadrement officiel identifiable.

Le site web d'Al-Majd, partie intégrante de la supercherie, affirme que l’association a été fondée en Allemagne en 2010 et possède des bureaux à Sheikh Jarrah. Or, aucune trace de cette organisation n’apparaît dans les registres officiels. Les liens vers ses réseaux sociaux sont inactifs, et la version ancienne du site renvoie au nom réel de la société : Talent Globus, une société estonienne créée il y a un an à peine, au nom de Tomer Yanar Lind, qui affirme sur LinkedIn « aider les Gazaouis à sortir ».

Des vols multiples et un schéma récurrent :

Les deux vols précédant celui de Johannesburg dessinent le même schéma :

– le 27 mai, 57 Palestiniens ont été transférés via Fly Lili à Budapest, puis envoyés en Indonésie et en Malaisie ;

– le 27 octobre, un groupe de 150 Palestiniens a été acheminé vers Nairobi puis vers l’Afrique du Sud via la compagnie Lift, sans problèmes à l’arrivée. Plusieurs passagers ont ensuite publié des images de leur « nouvelle vie ».

Certains voyageurs apparaissent portant des casquettes et t-shirts arborant le logo « Al-Majd », signe de l’ampleur du réseau.

Contexte politique : un climat propice au déplacement forcé :

Ces révélations s'inscrivent dans un contexte politique marqué par les déclarations du président américain Donald Trump évoquant explicitement un projet de « relocalisation » des habitants de Gaza vers des « lieux éloignés et sûrs », encouragé ouvertement par le gouvernement israélien. Selon une source sécuritaire israélienne, les rejets de dossiers de sortie ont « considérablement diminué » après une décision récente du cabinet, ouvrant la voie aux opérations du réseau.

Les compagnies aériennes impliquées assurent avoir traité les demandes via un « agent de voyage israélien » dont l’identité n’a pas été révélée. La société Global Airways a indiqué que l’agent lui avait expliqué que les passagers prévoyaient une visite de moins de 90 jours.

Craintes de déplacements massifs organisés :

Des organisations sud-africaines de défense des droits humains s’inquiètent d’une possible tentative de « déplacement organisé et systématique de Palestiniens hors de Gaza ». Le président Ramaphosa affirme que les passagers « ont été poussés à quitter l’enclave », annonçant la poursuite des investigations.

Ce qui émerge à ce stade met en lumière un réseau structuré, exploitant une tragédie humanitaire, opérant via des structures fictives, des sociétés offshore et des communications cryptées, tandis que l’objectif final demeure obscur.

Les Palestiniens piégés par ce réseau ont déboursé des sommes importantes pour échapper à la guerre, mais se sont retrouvés livrés à des acteurs inconnus, dans ce qui apparaît comme l’une des plus vastes opérations mêlant profits, enjeux sécuritaires et considérations politiques, au détriment d’un peuple assiégé.

H.A

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