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L'interdiction de l'UNRWA : entre incertitude de mise en œuvre et absence d'alternative

L'interdiction de l'UNRWA : entre incertitude de mise en œuvre et absence d'alternative

Ramallah, le 26 janvier 2025, WAFA-

Par Rami Samara

À la fin de ce mois, deux lois adoptées par la Knesset israélienne entreront en vigueur, visant à perturber le fonctionnement de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) dans les territoires palestiniens. Ces lois ont été adoptées à la majorité le 28 octobre 2024.

En vertu de ces lois, l'ambassadeur d'Israël auprès des Nations Unies, Danny Danon, a informé le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, que l'agence devait cesser toutes ses activités dans la ville occupée de Jérusalem et évacuer ses bâtiments d'ici le jeudi 30 janvier.

La première loi interdit les activités de l'UNRWA dans les « zones sous souveraineté israélienne », ce qui inclut le fonctionnement de ses bureaux de représentation et la fourniture de services. La seconde loi interdit tout contact avec l'agence.

Pour l'UNRWA, cette rupture de contact mettrait fin à la coordination nécessaire pour garantir des déplacements sécurisés pour les équipes palestiniennes de l'UNRWA, les plaçant dans des conditions de travail dangereuses. De plus, cela empêcherait les employés internationaux de l'UNRWA d'obtenir des visas d'entrée et de travail dans les territoires palestiniens occupés.

Cette législation poserait également des obstacles à l'UNRWA dans ses relations avec les banques israéliennes, entravant l'accès aux transferts financiers, le paiement des salaires et le règlement de ses obligations financières.

Quant au gouvernement d'occupation, le terme « zones sous souveraineté israélienne » dans la première loi se réfère à la ville occupée de Jérusalem-Est, où se trouve le bureau temporaire de la direction de l'UNRWA, précisément dans le quartier de Sheikh Jarrah, qui a récemment été le théâtre de vagues d'attaques terroristes et de décisions discriminatoires.

En mai 2024, l'administration de l'agence a été contrainte de fermer son bureau en raison d'attaques menées par des colons, dont des incendies dans ses bâtiments à deux reprises en l’espace d’une semaine.

Le même mois, le conseiller juridique du district de Jérusalem de l'Autorité foncière israélienne a informé l'UNRWA qu'elle devait quitter son siège à Sheikh Jarrah, au motif qu'il était construit illégalement sur 36 dunums de terres qui avaient été saisies en 2006 et annexé comme quartier de la colonie de Ma'ale Dafna.

L'avis a exigé que l'UNRWA paye plus de 27 millions de shekels pour l'utilisation illégale du terrain.

Le 10 octobre de l’année écoulée, l’Autorité foncière israélienne a annoncé l’accaparement du terrain sur lequel se trouvait le siège de l’UNRWA dans le quartier de Sheikh Jarrah, en le transformant en un avant-poste colonial contenant 1 440.

Israël a également visé le College de formation de Qalandiya car le 14 janvier 2024, l'Autorité foncière israélienne a rendu une décision exigeant que l'UNRWA la quitte et paie des frais d'occupation rétroactifs de 17 millions de shekels, sous prétexte de construction et d'utilisation de bâtiments sans permis.

Les dommages ne se limiteront pas aux services de l'UNRWA à Jérusalem :

L'impact des décisions prises par la Knesset israélienne ne se limitera pas uniquement au bureau principal de l'UNRWA à Sheikh Jarrah, mais touchera également ses écoles, cliniques et les services qu'elle offre à des dizaines de milliers de réfugiés dans la région de Jérusalem.

L'UNRWA vient en aide à plus de 110 000 réfugiés à Jérusalem. L'agence des Nations Unies gère deux camps de réfugiés : ceux de Shu’fat et de Qalandiya. Elle supervise des établissements tels qu’une clinique à l'entrée de Bab al-Sahira, et plusieurs écoles pour garçons et filles à Jérusalem, Sur Baher et dans les deux camps mentionnés.

L'ancien directeur de la communication de l'UNRWA, Chris Gunness, a déclaré que l'interdiction imminente par Israël des opérations de l'agence et l'arrêt de ses services essentiels dans les territoires palestiniens occupés ouvrent la voie à l'annexion de Jérusalem-Est.

Un article publié par Gunness indique qu'Israël prévoit de remplacer l'UNRWA dans les secteurs de la santé et de l'éducation, et de saisir 10 écoles de l'agence, un centre de formation professionnelle et 3 centres de santé qui servent 63 500 réfugiés à Jérusalem-Est.

Cela représente, selon l'article, une « annexion de facto » de la ville, dans le but de l'exclure de toute future solution négociée et de la priver de toute légitimité internationale, ce qui serait une étape désastreuse pour Israël et entraînerait un renforcement du ressentiment international à son égard, avec des tentatives croissantes de l'exclure des Nations Unies, comme cela a été le cas pour l'Afrique du Sud à l'époque.

Les attaques d'Israël contre l'UNRWA et ses tentatives de mettre fin à son existence et de liquider la question des réfugiés se sont intensifiées depuis 2017, après que le président américain Donald Trump a déclaré Jérusalem capitale unifiée d'Israël.

L'agence a annoncé qu'elle poursuivrait son travail de fourniture de services et de gestion des affaires des réfugiés et des camps jusqu'au dernier souffle, en raison de l'incertitude entourant les mécanismes de mise en œuvre des décisions de la Knesset israélienne, car l'interdiction de ses activités et interventions aurait des conséquences désastreuses sur la communauté humanitaire.

Jamie McGoldrick, responsable de l'ONU ayant supervisé les opérations humanitaires de l'ONU à Gaza et en Cisjordanie, a déclaré :

« Les opérations de l'UNRWA dans les territoires palestiniens représentent une bouée de sauvetage pour des millions de Palestiniens, qui dépendent de ses services de base en matière d'éducation, de soins de santé et d'aide alimentaire. »

L’UNRWA fournit des services à quelque 6 millions de réfugiés, dans les domaines du développement humain et des services humanitaires, notamment l’éducation, les soins de santé, le soutien et la protection de la sécurité sociale, l’amélioration des infrastructures et des camps, et les interventions d’urgence, y compris dans les situations de conflit armé.

L'UNRWA gère 706 écoles primaires et préparatoires dans ses cinq zones d'opération, offrant une éducation de base gratuite à environ 545 000 enfants réfugiés palestiniens, ainsi qu'une formation professionnelle technique et un enseignement supérieur dans huit centres de formation professionnelle pour environ 8 000 réfugiés, en plus de plus de 2 000 étudiants fréquentant deux facultés des sciences éducatives.

L'agence supervise également 140 centres de santé qui reçoivent en moyenne environ 7 millions de visites par an, en plus de 1,7 million de réfugiés recevant une aide alimentaire d'urgence (avant l'agression sur la bande de Gaza), tandis que le nombre de bénéficiaires des services de protection sociale dépasse les 400 000 dans 58 camps reconnus.

Il n’y a pas d’alternative à l’UNRWA et Israël doit en assumer la responsabilité :

Philipe Lazzarini, commissaire général de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, a indiqué qu’il n’aura pas d’alternative à l’agence dans les territoires palestiniens occupés si Israël applique les décisions interdisant ses activités.

Et d’ajouter qu’il n’avait pas de plan alternatif au sien des Nations Unies, car il n’y a aucune autre institution capable de fournir les mêmes services. Aucune autre agence des Nations Unies ne peut remplacer l'UNRWA, car aucune agence des Nations Unies n'est capable de fournir des services d'éducation et de santé comme l'UNRWA, qui a accumulé une expérience au cours de 7 décennies et a bâti des capacités logistiques et humaines inégalées.

Roland Friedrich, directeur des affaires de l’UNRWA en Cisjordanie, explique qu’il n’existe aucune alternative opérationnelle qui puisse remplacer l’UNRWA, pas même parmi les institutions de l’ONU.

Frederick a ajouté dans des déclarations à la presse : « Si l'UNRWA n'est plus en mesure de poursuivre son travail dans les territoires palestiniens en raison des deux lois de la Knesset, alors la responsabilité juridique reviendra directement à Israël en tant que puissance occupante, et cela lui impose des obligations. Le plus important est de fournir des services de base aux réfugiés, mais il est également certain que le rôle de l'agence en Palestine n'a pas d'alternative, car elle joue un rôle de service majeur qui ne peut pas être facilement remplacé. »

Le commissaire général de l’UNRWA, Lazzarini, a accusé Israël d’investir d’importantes ressources financières et diplomatiques dans des campagnes visant à présenter l’UNRWA comme une organisation terroriste et à décrire ses employés comme des terroristes ou des sympathisants de terroristes, les rendant ainsi vulnérables aux menaces, à l’intimidation et au harcèlement.

Le rythme de l’incitation israélienne contre l’UNRWA s’est accru parallèlement à la guerre d’extermination dans la bande de Gaza après le 7 octobre 2023, au point de qualifier l’UNRWA de « terrorisme ».

Lazzarini a souligné que les deux lois promulguées par la Knesset visent à mettre fin aux opérations de l'UNRWA dans les territoires palestiniens occupés, indépendamment de tout processus politique, ce qui causerait un préjudice irréversible à la vie et à l'avenir des Palestiniens.

Il a ajouté : « Le démantèlement de l’UNRWA érodera la confiance des Palestiniens dans la communauté internationale et dans tout processus politique qu’elle soutient. Comment la communauté internationale peut-elle expliquer aux Palestiniens qu’une loi votée par un parlement local empêche une agence de l’ONU de sauver des vies et de fournir des services de base ? »

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a souligné que la législation nationale ne pouvait pas absoudre Israël de ses obligations en vertu de la Charte des Nations Unies et du droit international, y compris le droit international humanitaire, en tant que puissance occupante.

Guterres a souligné que l'UNRWA est le principal organisme fournissant une assistance de base aux réfugiés palestiniens, qui seront confrontés à des conséquences dévastatrices si les deux lois israéliennes sont appliquées, en plus des dommages qui seront causés à la résolution du conflit palestino-israélien et à la paix et à la sécurité dans toute la région.

Alors que le Secrétaire général a souligné qu'il n'y avait pas d'alternative à l'UNRWA qui puisse fournir des services aux réfugiés palestiniens dans les territoires occupés, y compris Jérusalem, il aurait refusé d'engager des discussions avec Israël sur le remplacement de l'UNRWA, confirmant la position des Nations Unies selon laquelle il s'agit d'une organisation non gouvernementale. Ce n’est pas sa responsabilité de proposer des alternatives.

Guterres a déclaré dans un message adressé à l'Assemblée générale et au Conseil de sécurité de l'ONU : « Si l’UNRWA est contrainte de cesser ses opérations, Israël devra s’assurer que la gamme de services et d’assistance fournis par l’Agence soit fournie conformément à ses obligations en vertu du droit international. »

Le chef du Bureau du Secrétaire général des Nations Unies, Earl Courtenay Rattray, a souligné que les Nations Unies n'avaient aucune responsabilité dans la recherche d'une alternative aux opérations de l'agence à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem, et que ce problème incombait à Israël en tant que puissance occupante.

Des rapports ont révélé que le ministère israélien des Affaires étrangères négocie avec des responsables de l'ONU la possibilité de transférer les zones sous la responsabilité de l'UNRWA à d'autres agences de l'organisation internationale, afin de parvenir à ce qu'on appelle une « solution temporaire » qui permette la poursuite des services d'aide humanitaire, en particulier dans la bande de Gaza.

Le journal israélien Haaretz a rapporté que l'une des solutions proposées dans les pourparlers impliquant les États-Unis est de poursuivre le travail des employés palestiniens de l'UNRWA mais sous la supervision d'une autre agence de l'ONU, comme le Programme des Nations Unies pour le développement ou le Programme alimentaire mondial, et de remplacer les directeurs internationaux de l'UNRWA, mettant ainsi un terme définitif à ses activités.

Israël cherche à éliminer légalement et politiquement le problème des réfugiés :

Ahmed Abu Holi, membre du Comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine et responsable du Département des affaires des réfugiés, a souligné que l'occupation israélienne cherche à imposer la charge des 6 millions de réfugiés palestiniens sur les pays d'accueil, à savoir la Palestine, la Jordanie, le Liban et la Syrie. Cela signifie que ces pays devront prendre en charge l'ensemble de la responsabilité envers la communauté des réfugiés, après que l'UNRWA ait été dépossédée de cette mission. Cela signifie qu'ils tenteront de réinstaller les réfugiés dans leurs lieux de résidence actuels ou de les pousser vers une nouvelle migration, en les confrontant à des conditions de vie impossibles, tant au niveau matériel qu'en termes d'accès aux services essentiels.

Abu Holi a déclaré que l’approbation par la Knesset des lois interdisant le travail de l’UNRWA signifie une déclaration de guerre à l’agence pour mettre fin à son rôle, comme prélude à l’élimination du problème des réfugiés.

L’OLP souligne qu’aucun organisme international n’est capable de combler le vide que pourrait laisser l’absence de l’UNRWA, en particulier compte tenu de la taille et de la diversité des services qu’elle fournit avec un budget dépassant 1,5 milliard de dollars par an.

En outre, l’OLP refuse également de prendre part à tout dialogue qui aborde des alternatives à l’UNRWA, car cela signifierait participer aux efforts d’Israël pour éliminer le dossier des réfugiés dans ses dimensions politiques et juridiques.

La seule alternative est que l'occupation assume la responsabilité de sa guerre visant la communauté des réfugiés, affirme Ahmed Abu Holi, chef du département des affaires des réfugiés de l'OLP.

La décision de la Knesset d'interdire le travail de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) constitue une violation de la Charte des Nations Unies, des dispositions du droit international, des normes et accords internationaux et contredit les résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies, en particulier la résolution n° 302, qui a créé l'UNRWA en 1949 en réponse à la crise des réfugiés palestiniens, et représente un engagement international à cet égard. Cette décision survient après l'échec de la mise en œuvre de la résolution 194 du Conseil de sécurité, qui garantit le droit au retour des réfugiés.

La cessation des activités de l’UNRWA et le refus qui en résulte d’apporter une aide essentielle aux réfugiés, en particulier à Gaza, peuvent être qualifiés de crime de guerre au sens du Statut de Rome, qui criminalise le recours délibéré à la famine comme méthode de guerre.

H.A

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