Ramallah, le 3 août 2022, WAFA- 10 Palestiniens ont été tués, dont deux enfants, et beaucoup ont été blessés ou handicapés depuis mai 2021, à la suite d'affrontements à Jabal Sabih à Beita, au sud de la ville de Naplouse, au nord de la Cisjordanie.
Au milieu des tentatives des colons israéliens de réinstaller un avant-poste - contraire à la loi - sur Jabal Sabih, les résidents locaux palestiniens se sont opposés à cette violation à travers des marches de protestation, provoquant des confrontations avec les forces d'occupation israéliennes.
«15 000 Palestiniens vivent à Beita. Chaque famille a traversé un malheur au cours de la dernière année. Si vous entrez dans une maison et demandez ce qu'ils ont vécu, c'est soit qu'ils ont perdu quelqu'un, qu'ils ont été blessés ou qu'ils ont quelqu'un handicapé ou emprisonné », a expliqué Saeed Mohammad Ahmad Hamayel, dont son fils aîné de 16 ans, Mohammad, a été tué en juin dernier.
Voici cinq témoignages recueillis à Beita sur la façon dont leur vie a changé depuis le début des affrontements en 2021 :
Témoignage 1 : Un père dévasté
« Nous construisons une nouvelle maison parce que nous ne supportons pas de rester dans la maison où vivait notre fils. Partout où je regarde, je vois mon fils. C'est trop douloureux. Chaque jour qui passe, j'ai l'impression qu'il a été tué à nouveau, surtout à cette époque parce qu'il se préparait pour ses examens du secondaire. Mohammad avait l'habitude de me dire : « Je veux construire une maison et vivre ici un jour ». Nous voulons réaliser son souhait.
La nouvelle maison sera plus proche du cimetière, ce qui permettra en quelque sorte à la mère de Mohammad de se sentir plus proche de son fils.
« J'étais employé au ministère palestinien du Travail. J'ai pris ma retraite tôt parce que je ne pouvais pas continuer mon travail à cause de la mort de mon enfant en 2021 avec tant d’autres. »
« Mon fils Mohammad est né le 4 août 2004. Il a été tué deux mois avant d'avoir 17 ans. Il était l'un des enfants les plus intelligents de son école. Il était sociable, aimait les gens et avait une personnalité charismatique. Il rassemblait toujours les étudiants et les professeurs autour de lui. Il rêvait d'aller à l'université et de se spécialiser en droit. Tous ses espoirs et ses rêves sont partis. Mohammad était très passionné. C'était un écrivain, il aimait écrire. »
« Je ne peux rien faire pour protéger mes enfants, je ne peux même pas me protéger. Comment vais-je les protéger ? La mort de mon fils m'a brisé, ainsi que ses frères et sœurs et sa mère. J'essaie de garder mon calme, mais en vain. »
« Je ne veux plus que les crimes soient documentés ; nous avons assez de documents. Nous voulons que ces actes violents cessent. Nous sommes des pères ; nous ressentons et prenons soin de nos fils et nous craignons pour eux. »
Témoignage 2 : Um Ali, veuve d'Imad Ali Dweikat
« Mon mari était un père merveilleux. Habituellement, les villageois préfèrent les garçons, mais il aimait tellement les filles. Bien sûr, il était ravi lorsque son fils Ali est né, et pendant les deux mois où il l'a connu avant d'être tué. Mais il était toujours si heureux avec ses filles. »
« C'était un homme parfait. Il était un ami, un frère et un mari, tout en un. Il était ma vie. Nous avons été mariés pendant 11 ans. Je ne peux pas croire que je dois vivre sans lui. Mais je dois être forte pour mes filles, je n'ai pas le choix. »
« J'ai eu du mal à trouver du travail en tant qu'enseignante, essayant de subvenir aux besoins de mes enfants. J'avais l'habitude d'être à la maison avec mes enfants. »
Maintenant, je passe la majeure partie de ma journée à m'occuper des autres. Je survis uniquement. Il n'y a pas de vie sans lui.
« Ma fille aînée ne peut pas parler de lui. Jusqu'à présent, elle n’est pas partie sur sa tombe. J'essaie d'amener les filles à parler de leurs sentiments, mais elles ont du mal à en parler.
« Leur père avait un surnom pour chacune de ses filles. Il n'a jamais eu la chance de surnommer son fils en bas âge. Il a appelé Alaa « sa première et plus grande joie ». Il a appelé notre deuxième fille, Baylasan, « mon garde du corps, ma protectrice » parce qu'elle est forte. Notre troisième, nous l'avons appelée « harkoosha » ["diablotin"] parce que c'est une fauteuse de troubles. Et Roaa a été surnommée « une petite Schtroumpfette » parce qu'elle est toute petite.
« Son rêve était que les filles finissent l'université. Il s'attendait à ce qu'Alaa devienne médecin et Baylasan ingénieur. Il voulait qu'elles accomplissent de grandes choses dans la vie. Il se souciait profondément de leur éducation. Le fait qu'il ait protesté sur la montagne ce jour-là visait aussi à protéger sa famille et l'avenir des filles.
Témoignage 3 : Nous n'avons jamais quitté la montagne …. Abu Jareh
« Je m'appelle Issa Hamdi Maali. Je suis né en 1954. Je suis marié et j'ai neuf filles et deux fils. J'étais ouvrier du bâtiment en Israël jusqu'à l'âge de 45 ans. Je suis venu à Beita pour cultiver ma terre. J'ai vécu une vie tranquille jusqu'à l'arrivée des colons. »
« Les manifestations de Beita ont impliqué tout le village ; hommes, femmes, personnes âgées et jeunes. Nous avons commencé nos « nuits de confusion » comme une forme de protestation - en jouant de la musique forte et des klaxons de voiture sur les haut-parleurs tournés vers notre montagne et en pointant des lumières laser vers la colonie la nuit.
« Nous nous sommes assis dans les tentes pendant les jours d'hiver et pendant le Ramadan. Nos revendications communes nous ont rapprochés. Pendant cent jours, nous n'avons jamais quitté la montagne. »
« Je suis fatigué. Je ne peux pas accéder à ma propre terre que j'ai héritée de mon grand-père et de mon père. Nous avons peur qu'un jour il n'y ait plus de terres. Nous avons fait la promesse de protéger la montagne. J'ai un enregistrement de chaque arbre pour le garder pour la mémoire. J'avais un petit album. Je connais les noms de toutes les plantes ici à Beita. »
Témoignage 4 : Il est prudent pour sauver son autre œil …. Rayan, enfant de 12 ans qui a perdu son œil
« C'est arrivé un jeudi. Nous étions assis sur la montagne, et soudain quelque chose m'a explosé au visage. J'ai failli m'évanouir, mais quelqu'un m'a retenu. Je souffrais beaucoup. J'avais l'habitude de voir avec mes deux yeux, maintenant je ne vois que d'un seul œil. C'est notre terre, et nous ne l'abandonnerons pas. Mais cela a changé ma vie pour toujours », a déclaré Rayan.
Le père de Rayan a ajouté : « Mon fils a 12 ans. Il ne peut pas du tout voir de son œil gauche. J'étais au travail, je me préparais à rentrer chez moi. Mon père m'a appelé pour me demander si j'étais allé à l'hôpital. Rayan ne décrochait pas son téléphone. Donc, je savais qu'il était blessé. Ils l'ont emmené dans une voiture civile à l'hôpital. Je l'ai vu à la clinique de campagne, puis je l'ai emmené à l'hôpital Rafidia, puis à l'hôpital al-Najah à Naplouse. J'étais choqué. Ces risques surviennent généralement le vendredi, pas le jeudi. »
« Rayan souffre de multiples blessures à la tête, aux orteils et à la jambe. Il est plus énervé maintenant. Il est fâché. Tout ce qu'il demande, je lui donne. Je ne peux pas blesser ses sentiments ou lui disant non. Il a peur maintenant. Il ne joue plus avec personne à l'école, il est prudent pour sauver son autre œil. »
Témoignage 5 : Un an sans revenus – « Je ne sais pas comment on va survivre » …. Nimer Suleiman, ouvrier du bâtiment de 33 ans
« Je m'appelle Nimer Suleiman. Je suis né à Beita. J'ai trois fils et je suis marié depuis sept ans. »
« Mon père m'a donné ce terrain et j'ai construit ma maison grâce aux revenus que je tirais de mon travail dans la construction. J'ai continué à économiser durant cinq ans pendant que j'étais fiancé. Avant, je travaillais sans relâche pour gagner assez d'argent pour fonder une famille.
« Depuis que j'ai construit la maison, j'ai des dettes d'environ 20 000 shekels (6 000 euros). Depuis ma blessure, les gens demandent leur argent et je leur demande d'être patients jusqu'à ce que je puisse retourner au travail.
« Je n'ai pas pu travailler l'année dernière - c'est une année sans revenu. Parfois, nous ne pouvons même pas mettre du pain sur la table. Je continue d'emprunter de l'argent. »
« La douleur est insupportable. Je vis avec des analgésiques. Une balle a touché ma cuisse, l'autre est toujours dans mon corps. Les médecins disent qu'ils ne peuvent pas l'enlever car le risque d'être paralysé pour toujours est trop grand.
« Je ne peux pas jouer avec mes enfants. Quand mon fils m'a demandé de jouer au ballon, j'ai essayé mais j'ai ressenti une douleur atroce. »
« J'ai essayé de travailler pendant deux jours ; c'était insupportable. Mon gagne-pain m'a été enlevé. »
« Je veux protéger ma terre et l'avenir de mes enfants. Nous n'avons plus rien à cause de l'occupation. »
« J'avais l'habitude de travailler à la carrière de pierre de Beita, mais la blessure m'a complètement détruit. Quand mes enfants me demandent des choses, je dois leur dire que je n'ai rien. »
« Ce serait bien de posséder une entreprise – un petit magasin, une épicerie ou quelque chose pour vivre. Ma femme n'a pas de diplôme et ne travaille pas. Je ne sais pas comment nous allons survivre. »
H.A/ F.N