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L’attaque israélienne contre le camp de Jénine : une tentative méthodique pour effacer la cause des réfugiés

L’attaque israélienne contre le camp de Jénine : une tentative méthodique pour effacer la cause des réfugiés

Jénine, le 21 février 2025, WAFA-

Par Zahran Maali

Le 21 janvier dernier, l'armée israélienne a lancé une nouvelle offensive militaire contre la ville de Jénine et son camp de réfugiés, étendant ensuite ses opérations à Tulkarem, Tubas et d'autres localités de Cisjordanie. Cette attaque a causé des dizaines de morts et de blessés, ainsi que le déplacement forcé de plus de 40 000 Palestiniens, en plus de la destruction des centaines de maisons, selon des rapports officiels et onusiens.

Depuis deux ans, le camp de Jénine subit régulièrement des incursions militaires et des frappes de drones. Cependant, cette attaque marque un tournant : les forces israéliennes poursuivent la destruction des infrastructures du camp, ouvrent de nouvelles routes et forcent environ 3 200 familles au déplacement.

Le maire de Jénine, Mohammed Jarrar, affirme que l'occupation cherche à redessiner la réalité sur le terrain en intégrant le camp à la ville. Un blocus strict empêche les secours et les autorités locales d'évaluer l'ampleur des destructions.

Selon Jarrar, cette offensive s'inscrit dans une stratégie plus large visant à effacer la question des réfugiés. Après l'adoption de lois interdisant les activités de l’UNRWA en Israël et en Cisjordanie occupée, l'armée cible désormais les camps de réfugiés eux-mêmes, symboles vivants de la Nakba et du droit au retour.

Depuis le 30 janvier dernier, deux lois adoptées par la Knesset : La première loi interdit toute activité de l'UNRWA dans les « zones sous souveraineté israélienne », y compris l'ouverture de bureaux de représentation et la fourniture de services. La seconde loi interdit tout contact avec l'agence onusienne.

L’enterrement des droits des réfugiés au retour et à la compensation:

Anwar Hammam, sous-secrétaire du Département des affaires des réfugiés de l'OLP, affirme que le ciblage du camp de Jénine et d'autres camps de réfugiés en Cisjordanie par l'occupation vise à anéantir les droits des réfugiés palestiniens au retour, à la compensation et à la récupération de leurs biens. Il établit un parallèle avec la guerre d'extermination menée contre la bande de Gaza, où des camps de réfugiés, tels que celui de Jabalia, ont été rasés, en plus des attaques contre l'UNRWA.

Hammam souligne que « le camp de Jénine est aujourd’hui presque vide de ses habitants, contraints de fuir par l’occupation, avant que des blocs résidentiels entiers ne soient détruits sous prétexte de l’ouverture de nouvelles routes ». Il ajoute : « L’occupation cherche à effacer totalement le camp en tant qu’entité temporelle, spatiale, militante et identitaire, pour en faire une terre aride, comme elle l’a fait avec Jabalia, dans le cadre d’un plan plus large visant tous les camps de réfugiés ».

Il insiste sur le fait que ces camps sont des témoins vivants de la Nakba de 1948 et qu’ils ont, depuis 76 ans, servi de bastions à la lutte nationale palestinienne. « Dans les ruelles des camps, l’identité et la culture palestiniennes ont été reconstruites après la destruction du tissu social par l’occupation lors de la Nakba », explique-t-il.

Enfin, Hammam met en garde contre une tentative d’effacer la conscience historique palestinienne et de porter un coup fatal à la cause nationale en détruisant les camps. « Une véritable ingénierie de l’effacement est en cours, par des incursions et des destructions systématiques, afin de reconfigurer ces espaces d’une manière qui serve les plans de déplacement forcé de notre peuple », conclut-il.

La réingénierie du camp :

Le chercheur politique Ibrahim Rabaïa affirme à WAFA que l’occupation ne se contente pas d’un déplacement forcé des habitants du camp de Jénine, mais cherche à en effacer l’existence même en tant qu’entité politique. Il s’agit, selon lui, d’un projet global de restructuration du camp, visant à le transformer en un simple quartier urbain, effaçant ainsi son identité historique et démographique.

Rabaïa explique que le plan israélien ne se limite pas à une modification géographique, mais s’étend à un changement démographique profond. Selon la vision israélienne, des milliers d’habitants du camp ne pourront jamais y retourner, car leurs maisons détruites seront remplacées par de nouvelles routes et infrastructures, inscrites dans un plan d’aménagement imposé par l’occupation.

Il souligne que ce n’est pas la première tentative en ce sens : en 2002, après la destruction massive du camp, Israël avait tenté d’intervenir dans sa reconstruction, mais s’était heurté à un refus catégorique des habitants et des autorités palestiniennes, qui avaient insisté pour rétablir le camp dans sa configuration d’origine.

D’après les données recueillies, le camp de Jénine a subi plus de 100 incursions au cours des trois dernières années et demie, dont certaines ont duré plusieurs jours et forcé des milliers de résidents au depalcement. Cependant, l’actuelle offensive est la plus longue et semble viser un déplacement durable des habitants. Israël espère que les réfugiés s’intégreront progressivement dans les villages et quartiers où ils ont trouvé refuge, en y tissant des liens sociaux et économiques, rendant ainsi leur retour au camp plus difficile et coûteux.

Rabaïa souligne que, bien qu’Israël ne puisse pas encore imposer un exode massif de la Cisjordanie, il cherche à favoriser un déplacement interne. L’objectif est de redessiner la répartition démographique des Palestiniens en les entassant dans des zones urbaines restreintes, réduisant ainsi leur emprise territoriale.

Enfin, il rappelle que Jénine a toujours servi de laboratoire aux politiques israéliennes en Cisjordanie. Ce qui fonctionne à Jénine est généralement appliqué ailleurs, car la ville est perçue par Israël comme l’un des bastions les plus résistants. De plus, sa proximité avec les territoires occupés en 1948 en fait un sujet hautement sensible pour l’opinion publique israélienne.

À noter que le camp de Jénine a été établi en 1950, après le déplacement du camp de Janzour, situé à 6 kilomètres au sud-est. Il est adjacent à l’ancienne gare ottomane et abrite des réfugiés originaires de 59 villages et villes détruits dans les districts de Jénine, Nazareth et Haïfa. Il s’étend sur une superficie de 374 dunums.

H.A

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